mardi 22 février 2011

Red, Yellow & Blue


L’époque moderne l'a jouée fine, qui a su créer à la fois des frustrations insensées et des médicaments pour y répondre, nourrissant ainsi un ordre rudement bien établi. Seulement voilà, si tout le monde connaissait Red, Yellow & Blue, le premier album de Born Ruffians, l'industrie pharmaceutique ferait sans l'ombre d'un doute faillite. Quant au reste du cercle vicieux, il se casserait la gueule à sa suite pour laisser place à une société constituée de citoyens libres et épanouis. Garanti.


Ce qu'il y a de bien avec Red, Yellow & Blue, c'est que cet album ne cherche pas à transmettre des ondes positives en parlant d'après-midi à la plage et de cornets deux boules à deux sur les pelouses d'un jardin public un soir d'été. Born Ruffians prend de front tous ces problèmes de mal-être, d'insatisfactions, mais sans jamais jouer la carte de l'apitoiement ou de la complaisance. A la lecture de certaines des paroles de leurs chansons, on pourrait s’attendre à les entendre accompagnées par des accords mineurs, un rythme pesant, une voix éteinte, mais il en va tout autrement. Born Ruffians s'appuie sur ces frustrations pour les transformer en un champ des possibles, présentant à la fois une prise de conscience et des envies de mieux. On entend aussi bien des paroles de dépit que de soudaines pulsions d'espoir et de vie, il y a des aveux de faiblesse, des sentiments d'être au fin fond du dernier des culs-de-sac, et malgré tout une prodigieuse envie d'atteindre la lumière et la légèreté. Tous ces maux sont dits et chantés comme autant de premiers pas vers une vie plus heureuse. Une sorte de solution se dessine alors, une solution universelle: pour passer outre tous les petits cacas qui peuvent s'accumuler sous nos semelles et rendre notre pas traînant, il faut les transformer en quelque chose de constructif, quelque chose qui parle par soi-même et qui, ce faisant, devient une libération.


Ce quelque chose, c'est ici une musique profondément jouissive car portée par une énergie inouïe. Red, Yellow & Blue est la solution aux jours sans, cet album devient une paire de jambes supplémentaires quand on n'a plus envie d'avancer. Il prouve, si besoin était, que c'est par la créativité que le genre humain peut s'extraire du marasme ordinaire dans lequel l'ordre établi cité plus haut s'emploie à l'encroûter.  Si une guerre contre la résignation devait être menée, on ferait écouter ces morceaux aux soldats. Et ils seraient victorieux.


Même dans un contexte moins belliqueux, l'effet est là. Prenons pour exemple "Kurt Vonnegut" ; à l'écoute de ce morceau quelques phénomènes peuvent se produire:
-         l'envie d'être réincarné en batterie de Steven Hamelin
-         l'impression de se sentir pousser un deuxième coeur
-         l'adoption d'une démarche à larges enjambées
-         le bombage de torse
-         l'envie presque irrépressible de scander de concert "Won't you come outside, love, won't you come outside?", des paroles qui sonnent comme une invitation à la libération.
Quoi qu'il arrive, Born Ruffians arrive à parler d'un même mouvement aussi bien à l'âme qu'au corps, et à réconcilier les deux dans un même élan.

Quand on se sent usé à force de lutter contre les attaques sournoises de la médiocrité ambiante, Red, Yellow & Blue est là pour nous dire que cette lutte n'est pas vaine, qu'il faut continuer à vouloir être le seul maître à bord. Quand ça ne va pas fort il faut écouter Red, Yellow & Blue, gueuler sa race, sauter dans tous les sens, faire semblant de jouer de la guitare ou de la batterie, reprendre contact un instant avec l'enfance. Il faut laisser l'énergie inépuisable de Red, Yellow & Blue entrer en soi, le laisser nous éclairer et nous réchauffer de l'intérieur. Red, Yellow & Blue, c'est du génie jouissif, du soleil permanent à portée d'oreille, une insulte aux mauvais penchants... En un mot comme en cent, Red, Yellow & Blue est le meilleur compagnon de route depuis la mort de Jésus. Au bas mot.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire