jeudi 12 novembre 2015

Mayo Thompson - Dear Betty baby




Ma Betty chérie, nous sommes quelque part entourés d'eau et il fait noir. Nous n'avons rien vu d'autre que nous depuis des jours, des semaines, et cette nuit au loin vers l'avant des lumières brillent. Certains les voient rouges, d'autres bleues. Nous allons vers elles, ou peut-être qu'elles nous attirent, et nous ne savons pas si nous les rejoindrons ou si le jour se lèvera avant et nous laissera à nouveau face à rien. Il n'y a peut-être rien. Il n'y a jamais eu aucun signe de quoi que ce soit sur les vagues, pourquoi soudain quelque chose apparaîtrait?

("Tu as l'intention de rester longtemps en mer?" m'avait demandé le capitaine. "Non Monsieur", j'avais répondu, "pas moi." Il n'avait pas réagi. "Et le si le bateau prend l'eau?", il avait ajouté. Bah... 
Le mieux c'est encore de ne pas y penser.)

On s'habitue vite à l'endroit où on vit; la dernière fois que je suis descendu à terre je ne reconnaissais plus mes jambes ni les pas qu'elles faisaient. Il y avait trop d'espace pour mes mouvements, pas assez pour mes yeux. Tout ce que je ressentais en regardant autour c'était le poids du passé accumulé, et moi au bout de la chaîne qui ne savait pas quoi faire de tout ça. Comme si tout ce qu'il y a dans le dur et dans le vent me disait "C'est pour toi que nous sommes là." et moi je n'en demandais pas tant. D'ailleurs je ne demande jamais rien à personne.
Ça m'a fait mal à la gorge que pour que moi je sois vivant, il ait fallu qu'un nombre incalculable de gens soient morts. Pour que je fasse mes lacets, pour que j'achète un sandwich... Des centaines de milliers de kilos de poussière sous mes pieds et dans l'air. Et moi au bout, avec ma chemise froissée et mes cheveux collés par la sueur, qui ne fais pas grand chose au bout du compte.

Je pensais à ça parce qu'il y avait quelque part une porte grande ouverte, et devant des gens qui se parlaient vraiment, qui s'embrassaient. Je suis entré, c'était une grande salle avec au bout de hautes bougies allumées autour d'un cercueil. Je ne l'ai pas vu tout de suite, mais par une trouée qui s'est faite entre les gens qui se pressaient calmement autour. On n'entendait pas grand chose à part le bruit des respirations, des paroles chuchotées, du claquement des bras dans le dos de ceux qui se consolaient entre eux. Je me suis approché autant qu'il m'a paru raisonnable de le faire. J'avais peur que quelqu'un me demande qui j'étais, ou qui était le mort pour moi.
Je me suis assis un peu à l'écart du halo des bougies et j'ai attendu là. Dehors c'était la nuit et l'air était étouffant, ici on respirait mieux. Petit à petit sans m'en rendre compte je me suis endormi. Comme si j'étais un bébé et que le mort à quelques mètres de moi était venu me chuchoter "Laisse-toi aller, mon petit gars, tu es en sécurité ici, je monte la garde et ceux qui t'empêchent de dormir je ne les laisserai pas approcher."

À présent ces lumières au loin et moi qui t'écris parce que je ne sais pas quoi faire d'autre. Parce que tout ça ne me fait rien. L'horizon vide sans signal de quoi que ce soit au loin, ça me va. Aller nulle part, ça me va.
Toi tu es en train de dormir, de travailler, de manger, de lire le journal, de laver tes cheveux, et j'imagine que parfois tu dois penser à moi mais au fond je n'en sais rien. Peut-être qu'il a suffi de quelques jours pour que tu ne remarques plus mon absence. Il y a bien des choses qui remplissent le vide que je laisse, d'autres personnes à aimer et de qui se faire aimer. Ou peut-être que quand tu n'es pas à côté de moi tu n'existes pas, et que rien de moi n'existe pour toi quand je ne suis pas là. J'ai des souvenirs, et le reste c'est des histoires de toi que je me raconte; tantôt elles me font sourire tantôt elle me tordent le ventre, j'ai comme une boule qui s'y serre alors et parfois je me dis que c'est de la mort qui s'installe. Parfois je me dis que je suis trop con. 

Le capitaine n'en mène pas large alors les marins ne savent pas quoi faire. Moi je laisse mes idées naviguer entre ces lumières au loin et ce que j'ai dans la tête. Pour l'instant ce sont deux choses bien distinctes mais si ça devait se rencontrer alors plus rien n'aurait d'importance. Tout peut advenir, j'ai passé mon temps à être dedans la vie et c'est la seule chose que je sais à peu près faire. »


vendredi 6 novembre 2015

Loin des Hommes

Voici ce qui se passe: on revoit Loin des hommes, on est une nouvelle fois admiratif et ému devant ce film, et l'on se dit qu'il n'a pas été traité à sa juste valeur, et qu'en quelque sorte la rencontre avec le public qu'il méritait n'a pas eu lieu. Mais à mesure que l'on réfléchit à ce qui fait la grande qualité de ce film on se coltine bien des questions sur un sujet qu'on a au fond trop peu abordé par ici alors qu'il est fondamental: le cinéma populaire. Donc, ce qu'on va faire: d'abord chanter les louanges de Loin des hommes et puis développer, en guise de pousse-café, les questions que ce film a fait naître en nous en ce qui concerne la nature, le sort et l'avenir du cinéma populaire.


Parce que c'est très chiant de voir un cinéaste et l'équipe avec laquelle il travaille se donner du mal pour faire un film dans un grand souci de qualité et d'honnêteté sans recevoir en retour l'attention qu'il mérite; et c'est exactement ce qui se produit avec Loin des hommes, de David Oelhoffen.
Ce film, librement adapté de nouvelles d'Albert Camus, est bâti sur un récit d'une grande lisibilité: Daru (Viggo Mortensen, sobrement parfait) est instituteur dans une école perdue au milieu de l'Atlas saharien. Il transmet son savoir à ses élèves, distribue le grain et le pain à la fin de la journée, et mène ainsi une vie calme et simple à l'écart du monde. Seulement nous sommes en 1954, la guerre commence à pointer le bout de son nez, Daru est français, et va venir un moment où il faudra bien se frotter à la réalité. Ce contact se produit via l'irruption de Mohamed (Reda Kateb, et son art prodigieux de tout exprimer en semblant ne rien faire), un paysan qui a tué son cousin et que Daru se trouve contraint d'escorter jusqu'à la ville où se tiendra son procès et sa très probable exécution.


Première chose: avec un récit de ce genre on pourrait craindre des grandes leçons de vie et de pseudo-philosophie humaniste sur fond d'envolées lyriques bas-de-gamme. Oelhoffen évite cet écueil avec la grâce du torero. Ce souci d'exigence est par exemple bien incarné par le choix de la musique puisqu'elle est confiée à Nick Cave et Warren Ellis, auxquels on peut assez sûrement faire confiance pour ne pas tomber dans la violonnade gratuite. Cette défiance vis-à-vis de la facilité est à l'image des partis-pris qui donnent au film son caractère d'ensemble.
Parce que s'il n'y avait qu'un enseignement à tirer du travail réalisé par Oelhoffen pour Loin des hommes, ce serait celui-ci: quand on se donne du mal et que l'on tient vraiment au récit que l'on mène, des sentiments ou des propos qui pourraient dériver vers des scènes gênantes de fausseté et de facilité pour peu qu'elles soient confiées à des tâcherons donnent naissance, comme c'est le cas ici, à quelque chose de profondément humain, à une émotion juste et habitée.


D'autre part, ce qui donne au film sa puissance c'est aussi le travail subtil autour des rapports humains qui finissent par unir les personnages. Placés malgré eux dans une situation inégale de gardien et de prisonnier, leur rapport évolue à mesure qu'ils se trouvent amenés à s'apercevoir qu'ils sont tous deux du mauvais côté de la barrière, parce que c'est la guerre et qu'ils ne sont pas combattants. Le récit se charge alors de les amener à se trouver de plus en plus égaux et démunis, tête nue et désarmés face au monde.
Et c'est précisément là que se joue un autre point capital dans la qualité du film, ce rapport au monde au sens large. Oelhoffen a expliqué que s'il avait intitulé son film Loin des hommes, et non pas l'Hôte comme la nouvelle ayant constitué la source principal de ce dernier, c'était pour signifier la situation initiale de Daru, volontairement coupé du monde et, en quelque sorte, souverain en son petit royaume. Avec l'arrivée de Mohamed et la sortie forcée de ce royaume, Daru va devoir quitter cet espace privilégié où rien ne vient troubler sa tranquillité d'homme détenteur du savoir qui, malgré son respect et son attachement pour ses élèves, ne remet pas en cause le système colonial. Il va lui falloir aller chez les hommes, se frotter à leur réalité pour accéder à une prise de conscience (jamais soulignée à l'écran mais mise en acte, ce qui est toujours mieux).


Mais nous ne nous attachons pour l'instant que sur le fond du film, alors qu'il y a beaucoup à dire sur sa forme. On pourrait faire simple en disant que quand on voit un film qui respire, on se rend tout de suite compte de la différence. Bien sûr Oelhoffen peut s'appuyer sur des paysages d'une grande beauté, mais il ne suffit pas de simplement filmer de beaux paysages pour rendre justice à leur caractère, il faut aussi savoir les regarder, et le maître d’œuvre en est ici capable. Il sait aussi laisser à ses acteurs l'espace dont ils ont besoin pour donner toute leur épaisseur aux personnages qu'ils incarnent. Et quand vient le moment de laisser en suspens le récit humain pour se confronter à la réalité de la guerre, Oelhoffen le fait avec une sobriété et un sens de la justesse remarquable en montrant la violence de la chose telle qu'elle est, sans doute: on ne voit pas d'où elle vient, elle fait du bruit, du sang, et de la poussière.
Quand plus tard il s'agit de filmer les corps dans le contexte opposé, à l'occasion d'un détour par un bordel, Oelhoffen parvient à capter tout ce qui peut exister de sentiments contradictoires autour du désir. L'angoisse, la sensualité, et puis une forme de tendresse rendue presque mystique par la grâce d'un travail de la lumière et du cadre qui, tout en étant au plus près des corps, les traite avec une considération et une pudeur très émouvantes.


La maîtrise dont fait preuve Oelhoffen avec ce film nous mène également à réfléchir à ce sur quoi repose précisément la qualité au long cours du travail d'un "artiste" (terme trop flou, mais ça sonne mieux que "travailleur culturel"). Parce que voilà: Nos retrouvailles, le premier long-métrage d'Oelhoffen, ne nous avait pas paru convaincant. Trop terne, trop marqué par une sorte de label "qualité française du film noir" où, en avançant un souci de sobriété et de sécheresse, on finit par donner naissance à un film inhabité (et puis traiter le conflit filial sous l'angle du film noir, on ne le répétera jamais assez, c'est se confronter au maître-étalon absolu et jusqu'ici indétrônable qu'est J'irai au paradis car l'enfer est ici).
Plus tard Oelhoffen a écrit le scénario (encore une fois un poil trop sous influence du label nouveau film policier français) de l'Affaire SK1, réalisé par Frédéric Tellier; peut-être mal servi par une réalisation assez peu inspirée et des acteurs laissés à eux-mêmes (ce qui fonctionne bien pour Michel Vuillermoz, Adama Niane ou Olivier Gourmet, beaucoup moins bien pour d'autres), le film manquait là encore de poids et de souffle.
Qu'est-ce qui fait alors que soudain Oelhoffen fait preuve d'un sens certain de la mise-en-scène, de l'écriture, et du travail avec les acteurs1? Loin des hommes nous mène à penser qu'en vérité c'est l’œuvre qui fait l'artiste, et pas l'inverse. En se confrontant à un projet d'une ampleur et d'une profondeur supérieures à celles que l'on aurait pensées à sa mesure, Oelhoffen a pris un risque, et s'est révélé digne capitaine du bateau. Il lui a fallu se confronter à l'exigence de ce projet pour éprouver ses capacités et faire ses preuves.


Finalement, c'est peut-être ce parcours suivi à contrecœur dans le film par Daru qui pourrait se rapprocher le plus du travail effectué par Oelhoffen: sortir de son terrain connu, loin des hommes et du monde, aller se confronter à ce qui effraye ou rebute, et en sortir grandi. Par la grâce de ce geste que rien n'oblige dans la production cinématographique, par cette volonté d'aller chercher un ailleurs et d'y emmener le spectateur, Oelhoffen parvient à réaliser un film d'une ampleur, d'une profondeur et d'une humanité qui servent le spectateur. On sort de là avec le sentiment d'avoir été pris en considération et traité d'égal à égal, en adulte serait-on tenté de dire. C'est rare, et ce sentiment gratifiant s'ajoute à la satisfaction immédiate d'avoir vu un beau film, un vrai beau film, ce qui est rare aussi. C'est pourquoi Loin des hommes mérite mieux que le peu d'intérêt qui lui a été accordé. On manque trop de cinéma humain et délicat pour pouvoir se détourner de lui quand il se présente à nous.





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Et alors le parcours suivi par Daru et par Oelhoffen évoqué plus haut est aussi celui qui nous semble donner à Loin des hommes les qualités d'un film populaire, notion dont il nous semble important de parler à présent. Ce film aurait pu choisir, dans son fond comme dans sa forme, de rester perché sur sa montagne et de parler aux quelques uns qui auraient eu le loisir ou l'envie de s'y aventurer, plus ou moins par hasard. Mais en vérité il semble avoir pour but et pour raison d'être de se rapprocher des hommes (au sens d'humains, ça va sans dire).

On a pris la mauvaise habitude de traiter le cinéma populaire à la va-vite. Quand un film populaire est particulièrement réussi on ressort cette expression chiatique et fruit d'une absence totale de réflexion qu'est "c'est du cinéma populaire au sens noble du terme". Prise au mot, cette expression révèle sa nullité en essayant de mettre dans un même panier deux réalités historiquement opposées: le peuple et la noblesse. Ça peut paraître tiré par les cheveux mais il faut interroger les expressions toutes-faites parce que ce sont elles qui révèlent le fond de notre âme; celle-là signifie surtout que la seule manière de rendre ce qui vient du peuple acceptable ou digne de considération, c'est de lui reconnaître des qualités qui se conformeraient aux normes (conçues comme naturellement supérieures) posées par la noblesse. C'est donc considérer une forme d'expression "populaire" comme étant par essence triviale et indigne d'intérêt et ça, ça sent la haine de soi, et ça pue de la fesse.

Le problème c'est que cette expression (et la conception des choses qu'elle trahit) semble avoir été acceptée et perpétuée sans que jamais rien ne vienne la remettre en cause. De là vient, peut-être, la conflit intérieur qui entrave notamment le cinéma français, né grand spectacle populaire (chez Lumière comme chez Méliès, il serait temps là aussi d'arrêter d'opposer les deux dans un débat stérile et dépassé) puis progressivement célébré pour ses qualités de cinéma d'auteur, au détriment (par bêtise et par manque de vigilance) de ses aspirations et de ses capacités à être populaire. Or les meilleurs films français que nous ayons vus ces derniers temps2 étaient porteurs de ces soucis d'exigence, de sincérité et de considération qui sont la marque des grands films populaires.

Il ne s'agit bien sûr pas d'opposer cinéma populaire et cinéma d'auteur, au contraire, on crève de cette opposition. Ce qu'il s'agit d'opposer au cinéma populaire, c'est le cinéma de masse; un cinéma calibré et aseptisé par calcul dans le but de se conformer dans son essence même aux normes d'un divertissement admis et validé par l'esprit du temps (même si parler d'"esprit" dans ce cas…), nourrissant ainsi la perpétuation de ces normes dans une logique de plaie et de couteau incarnés en une seule et même réalité. Il s'agit de conforter le spectateur dans des habitudes esthétiques, morales et intellectuelles qui lui ont été imposées à coup de matraquage médiatique pour lui dire en somme qu'il a raison d'être dans ses pantoufles et de trouver que les autres c'est tous des cons.
Le cinéma populaire c'est l'inverse: il travaille d'arrache-pied pour inviter le spectateur à entrer dans un récit (où récit = histoire + point de vue) qui n'a pas été conçu pour lui mais qui a été conçu avec le souci de lui, et ça ça change tout. Le cinéma populaire c'est un acte de foi construit sur de la rigueur. C'est un travail consistant à vouloir exprimer quelque chose sans limiter cette expression aux frontières des représentations qui habitent leur auteur, dans l'espoir que le spectateur à son tour acceptera de se défaire de ses habitudes pour entrer dans cet espace autre. C'est sortir de soi pour rester soi tout en étant avec les autres, et ça doit être infiniment compliqué à faire.

Au cours d'une scène de Loin des hommes, Daru tue accidentellement un homme et, plutôt que de prendre sur lui la responsabilité malheureuse de cet acte, il la rejette sur Mohamed en lui criant « Il est mort parce que t'as pas de courage! » On serait tenté de reprendre cette formule pour reprocher aux cinéastes qui ont la capacité de proposer un cinéma populaire au public de ne pas le faire et de laisser stagner ce cinéma, par manque d'exigence, par trop grand souci de rester dans leur zone de confort. Ce faisant, en suivant la situation du film évoquée, on essayerait aussi de passer sous silence notre responsabilité en tant que public (selon la platitude consistant à remarquer que si personne ne s'y intéressait, le cinéma de masse n'existerait pas).

Mais on est aussi tenté de sentir dans le vent quelque chose comme un désir, qui prend son temps mais qui tout de même arrive. Si l'on se concentre sur le cinéma français, ce désir d'allier, pour faire simple, romanesque et personnel, se traduit de bien des manières différentes.
Il se retrouve par exemple dans Trois souvenirs de ma jeunesse de Desplechin, qui parvient dans certains passages de ce film à allier à la perfection la singularité de son regard avec un esprit d'aventure carrément emballant.
Il se retrouve aussi dans l'envie profonde et l'ambition presque folle qu'a ce grand cinéaste trop ignoré qu'est Rabah Ameur Zaïmèche de se confronter au récit historique avec les maigres moyens de franc-tireur dont il dispose, mais que l'on oublie tant ces questions matérielles sont balayées par le souffle cinématographique qui porte ses films (on reste ému en pensant à cette scène finale des Chants de Mandrin au cours de laquelle le réalisateur semble unir à l'écran son récit et son geste cinématographique en une sorte d'explosion de joie).
Ce désir se retrouve encore chez Arnaud des Pallières, dont le magnifique brillant serpent musclé Michael Kohlhaas partage d'ailleurs avec le film d'Oelhoffen plusieurs points communs dans son souci d'ampleur et d'ouverture au monde. Autant d'exemples glanés çà et là (et d'autres qui ne nous viennent pas à l'esprit ou que nous ne connaissons pas encore) qui nous font espérer que malgré leurs succès trop relatifs ces films sont signes d'un mouvement et feront école pour ouvrir la voie à quelque chose d'aventureux et de lyriquement incarné dans le cinéma français à venir. Pas par esprit cocardier ; ce souhait concerne en fait le cinéma au sens large, et ces dernières années cet espoir s'est aussi incarné dans Tabou de Miguel Gomes, Drive de Nicolas Winding Refn, ou bien évidemment Mad Max : Fury road de George Miller. Mais parce que, et pardon pour l'évidence, l'art créé dans un contexte donné tend un miroir à ce contexte, et qu'on aimerait bien rire de se voir si belle en ce miroir, si possible sans que ce soit l'effet d'une duperie du diable.





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1 Preuve de ce dernier point, le fait qu'en une apparition de deux minutes Nicolas Giraud (qui a bien sûr du également progresser de son côté) marque ici beaucoup plus durablement le spectateur qu'en une heure et demie de Nos retrouvailles.
2 On pense ici notamment à la Peur de Damien Odoul ; un film qui nous semble être le (seul?) vrai grand film que l'on n'osait plus attendre sur la première guerre mondiale et qui, putain, est par moments au moins aussi fort qu'Apocalypse now, mais qui a sans doute souffert à tous ses stades de production et d'exploitation du manque de confiance dans le fait que sa vocation était de rencontrer le public.