samedi 16 décembre 2017

ASA-CHANG & 巡礼 - 花 (Hana)


D'abord quelque chose d'ample, d'une grande beauté harmonique. Des vagues qui semblent suivre le mouvement immuable des marées. Et puis par-dessus des voix d'abord posées et accomplies, bientôt accompagnées par des percussions, un pouls. 

 
Au commencement le verbe précède le pouls. Et puis le rapport semble s'inverser, c'est peut-être le le pouls qui vient, et puis le verbe après. Alors les mots, petit à petit, sortent heurtés, essoufflés, s'interrompant eux-mêmes comme quand il y a trop de choses à dire et pas assez de temps. 

En japonais "Hana" ça veut dire "fleur". 

À mesure que le morceau se révèle et que les mots semblent naître comme ils se cognent on a le sentiment d'entrer en apesanteur par la grâce de la mélodie immuable tout en tombant dans une sorte de vertige causé par la musique humaine qui jaillit. La langue comme musique, comme syllabes de bruit, comme rythme.
On s'aperçoit progressivement que quelque chose d'aussi simple que faire du bruit à travers sa bouche pour dire des choses est en fait d'une improbabilité totale et d'une grande grande bizarrerie.
Il faudrait pouvoir entendre les mots comme de la musique pour sentir le sol du sens s'ouvrir sous nos pas, et tout trouver très rigolo aussi.

Il y a cette idée chez les Grecs anciens, que tout est à prendre en compte sous deux angles: l'éternité et le ponctuel. Bien sûr dans l'idée de ces deux temporalités il y a sans doute une recherche de mesure, de justesse, d'ataraxie même; tu as loupé ton train et tu pestes, mais bien avant il y a eu des poissons bizarres qui, millénaires après millénaires, sont sortis petit à petit de l'eau, et leurs écailles se sont transformées en poils, et ça a donné nous. Enfin à peu près. Alors ton train...

"Hana" fait penser à ça, à une mise en parallèle qui fait exister l'accidenté aussi bien que l'étale.
Ça n'est pas un dialogue, il n'y a pas d’interaction, mais deux incarnations simultanées d'un même instant. Une expérience de ce à quoi se résume au fond la vie. Des souffles et des élans. Des souffles amples et des élans qui se cognent. Des souffles courts et des élans qui se transmettent, inchangés ou presque, depuis quelques temps après l'explosion d'une tête d'épingle.
Et l'ivresse des mots qui s'emballent et la confusion, on est grisé ; on ne comprend vraiment rien. C'est toujours moins troublant quand on comprend. Là les choses font comme s'inscrire directement sur le ressenti, il n'y a pas l'intermédiaire du sens.
On ne sait plus trop où on habite.

Il doit y avoir un cheval, on doit être dessus, il doit y avoir une direction vers laquelle il va. À l'instant la notion de points cardinaux est relative, le temps c'est de l'espace, l'espace est cyclique, il existe en tourbillons, des volutes en lumières qui montent, et montent, et puis s'achèvent comme une étoile naît. 

En japonais "feu d'artifice" ça se dit "hanabi". 
Une étoile c'est une fleur qui éclot, s'embrase, se libère de la pesanteur et va prendre la mesure du ciel en lui prêtant une lumière.