vendredi 1 février 2019

Le Village de Namo - Panorama pris d'une chaise à porteurs

  

1. L'héroïne est au centre du film dès le départ et on ne le sait pas encore.


 




2. Le cadre est plein de monde, on ne devine qu'à peine le décor ; le panorama du village annoncé dans le titre n'aura pas lieu.



 
3. Les enfants prennent le pouvoir parce qu'ils sont en mouvement et qu'ici tout est affaire de mouvement (la pellicule dans la caméra) en mouvement (la caméra dans la chaise à porteurs) vers le mouvement (des vivants) pour le mouvement (dans « ému » il y a « mû »).



4. Le premier héros respire la joie jusqu'à ce 
qu'une grande vienne le retenir puis lui tirer les cheveux. Il s'arrête et ne repartira pas ; c'est un drame intime quand une douleur vient supplanter l'envie de suivre son plaisir et laisse immobile alors que le monde continue de tourner.



5. Retour à la vie avec ce petit garçon nu qui court à la suite de la caméra ; son bonheur semble intense et sa joie transpire et se transmet. Écho inconscient à cette autre image d'enfant nu qui court ; comme un miroir contraire, le premier va à la poursuite de ce qui fait sa joie, la seconde fuit ce qui l'a déjà anéantie.



6. Ressurgit l'héroïne, qui semble sortir de nulle part et se placer tout naturellement au cœur de l'image. Pourquoi est-ce l'héroïne ? Peut-être parce qu'en choisissant soudain de marcher quand les autres courent elle impose son rythme propre au film, et lui donne son allure véritable, celle du temps qui se ralentit, se suspend presque, pour capturer quelque chose d'absolu et de solaire.



 
7. Elle se décentre et si l'on se concentre alors sur le décor on s'aperçoit qu'il se vide peu à peu de la vie qui l'occupait auparavant ; c'est donc elle qui se retrouve investie de cette force.







8. Elle évite une poule qui va à contre-sens.





 9. Elle sort du champ et on se retrouve alors avec ce qui était sans doute l'intention initiale de cette vue Lumière : des porteurs dans un village indochinois, des maisons typiques, du pittoresque colonial pour spectateurs occidentaux.
Du vent et de la poussière.


Le film s'arrête.




Si aujourd'hui encore on a l’œil qui s'humecte en voyant cette minute d'images c'est peut-être aussi parce que l'imprévu a pris le contrôle et transcendé l'idée de départ. C'est le triomphe joyeux de l'accidentel.