lundi 12 septembre 2022

Un scénario? Pour quoi faire? (2/2) - Lovers rock, de Steve McQueen

On craignait d'avoir perdu Steve McQueen pour de bon après son aspiration par l'industrie hollywoodienne ; l'annonce de son retour sur le sol anglais avec une anthologie de cinq films pour la BBC, regroupés sous le titre de Small Axe, a donc été une bonne nouvelle. Leur visionnage nous a d’abord fait un peu peur avec le premier film Mangrove (centré sur l’histoire vraie d’activistes jugés pour incitation à l’émeute après qu’ils ont manifesté contre le harcèlement policier d’un restaurant antillais de Londres), doté de qualités certaines, mais surtout horriblement galvaudé et cliché sous influence états-unienne dans son traitement cinématographique d’un procès. Et puis sont venues la reprise de confiance, puis la sincère satisfaction. De trois manières différentes les films Red white and blue, Alex Wheatle et Education (respectivement 1) histoire vraie d'un policier noir rejoignant la police britannique et confronté au racisme profondément ancré de l'institution, 2) biographie filmée de l’écrivain Alex Wheatle se concentrant sur ses années de jeunesse entre errance, engagement politique et entrée dans son art et 3) illustration d'un procédé installé dans le système scolaire britannique des années 70 rangeant automatiquement les élèves noirs en difficulté scolaire dans des classes pour « sous-développés de l'apprentissage ») nourrissent le propos historiographique et politique de McQueen en parvenant à joindre une approche documentée à une représentation investie et sensible de phénomènes auxquels a été confrontée la communauté antillaise d’Angleterre dans le déroulement de la deuxième partie du XXème siècle. Du travail solide, habité, salutaire. Et cadré.

Et puis il y a Lovers rock.

 


Lovers rock est le deuxième film de Small Axe. Il raconte une fête.

 

Bien sûr si l'on s'en tient au projet immédiatement politique de l’anthologie on pourra considérer Lovers rock comme une sorte de pas de côté: pas d'ancrage dans des événements historiques précis, pas de personnages réels ou à teneur symbolique forte, action qui se tient sur une grosse douzaine d'heures, essentiellement dans une maison, essentiellement dans une pièce de cette maison... C’est très très resserré et en terme de ce qu'on pourrait appeler "un fond", Lovers rock peut sembler faiblard en comparaison avec les autres épisodes de Small Axe. Mais précisément, en partant d'un propos réduit à l'extrême (en gros, "girl meets boy"), Steve McQueen se redonne les coudées franches pour pratiquer son art cinématographique. Et ça, par la barbe du prophète, ça fait du bien.

 


Il y a bien sûr un ancrage qui intègre parfaitement Lovers rock à l'anthologie dans son ensemble. Il s’agit de représenter une fête reggae à laquelle participent des Antillais.es et descendant.e.s de vagues d'immigration précédentes issues des Antilles anglophones. Le racisme ambiant se manifeste de manière très précise, à quatre occasions, mais tout l'enjeu du film devient alors de garder ce racisme à distance pour qu'il ne vienne pas troubler la fête. De phénomène central dans les autres films de l'anthologie, il devient ici réalité certes omniprésente, mais tenue à la périphérie de ce qui se passe. Au cœur de Lovers rock reste la fête.

 

 

McQueen n'étant pas un lapin de six semaines on peut lui faire confiance pour construire une montée en puissance. Celle-ci, à l'exception d'une très courte scène initiale semblant hors-cadre (on y reviendra), suit pas à pas la chronologie de l'événement. Préparations des lieux, de la nourriture, du système sonore, des tenues... La mise en place du film s’emploie à une représentation simple des éléments préalables aux réjouissances. Cela dit si le scénario affiche dès le début qu’il s’en tiendra à l’essentiel il ne s'agit pas non plus de proposer une approche presque documentaire de la soirée: il y a des personnages et il leur arrive des choses. Mais ils ne sont pas le motif du film; c'est même plutôt l'inverse, le cœur battant du film c'est la fête, et ce que vivent les personnages d’un point de vue dramaturgique n'est que ce qui découle de celle-ci. Ce dispositif permet à McQueen de donner une place prépondérante à des scènes qui n'ont rien de narratif, mais sont presque exclusivement sensorielles.

 


Dès lors le choix de la musique est bien sûr capital; la bonne idée est de mettre celle-ci au diapason de l’évolution de la soirée. Au départ, pour installer le décor et lancer progressivement les réjouissances, les DJs passent des morceaux plutôt disco ou funk. L’ambiance se cherche, prend ses marques. Puis le style musical glisse progressivement vers le lovers rock, dont le Littré nous dit qu’il s’agit d’un genre transatlantique qui s'inspire autant du reggae que des musiques de danse états-uniennes comme celles mentionnées plus tôt. Du côté un peu en rodage de la fête qui débute, on avance petit à petit vers un autre état de célébration. McQueen concentre alors son attention sur les corps qui prennent leur place, se cherchent, se trouvent, se repoussent aussi parfois, et on entre peu à peu dans une forme d’envoûtement. 

 


Parce que si McQueen s’est toujours fait reconnaître comme un cinéaste politique, l’essence de son travail repose sur l’incarnation de ses motifs (que l’on pense par exemple aux corps étiques des grévistes de la faim dans Hunger, ou aux corps suppliciés par le système esclavagiste dans 12 years a slave). Sans discours à proprement parler, sans propos politique formulé, Lovers rock semble être le pendant absolu de cette quête de l’incarnation, et cette fête qui prend ses marques est comme une entrée progressive dans la matière même, un recentrement constant vers son cœur battant. À mesure que les personnages commencent à faire corps avec leur espace et leur événement, le film entre dans un nouvel ordre. Et puis, à peu près en son milieu, se produit un miracle.

 


En vérité c'est injuste de parler de miracle, une scène comme celle-ci doit être le résultat d'un travail phénoménal. Mais on a envie d'utiliser ce mot parce que: la fête commence à bien prendre, les DJs savent qu'il est l'heure d'envoyer du lourd pour la faire monter d'un cran, et ils envoient la pépite du lovers rock. Alors les gens dansent, s’épanouissent, McQueen est parfaitement à son affaire et c'est beau. Et puis le morceau va vers sa fin et plutôt que de passer à la suite les DJs baissent le volume. La chanson s’efface mais les participants, naturellement, sans concertation, décident de ne pas la laisser finir là et commencent à la reprendre tous ensemble. Il n'y a plus de musique, juste leurs voix à l'unisson et le bruit de leurs pas de danse qui apporte une rythmique humaine parfaite. C'est un moment actif, il s'agit de chanter, de danser, mais c'est aussi un moment d'abandon total qui aboutit à une sorte de verticalité, quelque chose d'à la fois profondément ancré dans les tréfonds des corps, et d'ouvert sur une célébration lascive qui prend la dimension d’une suspension, d’une sortie du temps, et d’une sortie du soi conditionné par ce temps. Mais une sortie de soi qui se produit par la grâce du collectif ; cette expérience individuelle n’isole pas, elle est le produit du contact avec le groupe, d’une grande caresse d'une douceur infinie.

Des moments où un travail de la forme cinématographique aboutit à une stase chaude et lumineuse de cet ordre, on n'en compte pas des masses.

 



Comment continuer après une scène magique de cet ordre ? En saisissant l’enjeu tacite de cette suspension du temps et en le creusant via la progression musicale. Cette libération des corps ouvre sur un passage du lovers rock vers le dub, musique plus déstructurée où la prise de libertés vis-à-vis des codes musicaux suit la perte de contact progressive avec ce que la danse a de contrôlé. L’atmosphère d’ensemble s’en ressent, on voit des personnages entrer dans une phase transitoire ; un espace s’ouvre vers un rapport certes plus individuel à la musique (les gens dansent seuls et une place est laissée à une prise de parole improvisée), mais où ces expériences individuelles nées d’une même musique viennent consolider l’aspect collectif de l’expérience.



Et puis survient une sorte de reggae plus nerveux (si seulement on y connaissait quelque chose en reggae on pourrait trouver une manière plus juste de parler de ce style…) ; le centre de gravité évolue des hanches et des jambes vers les tripes. On quitte alors la lascivité du lovers rock puis l’ivresse du dub pour entrer dans un ordre différent, celui de la transe et de l'exultation. De cette exultation sort un discours qui ne repose pas sur le verbe mais sur une sorte d’émotion qui tient de l’affirmation aussi bien que d’une sorte de colère. Et c'est alors qu'on comprend.

 


On comprend que sous ses airs de ne pas y toucher, et sans recours aux mots, Lovers rock est en fait le plus politique des cinq films composant Small Axe. Parce que ce qui se joue là, dans cette phase de la soirée où les esprits se perdent et où les corps et les voix se déchaînent, c'est une libération. Si la police est tenue à l'écart par un effort rigoureux consistant à ne faire aucune vague devant la maison où se déroule la soirée, si les zonards racistes du coin sont tenus à distance par un videur impressionnant, c'est parce que cette fête n'est pas qu'une fête; c'est un moment où chacun et chacune peut se libérer des carcans qui entravent son quotidien. Il peut s'agir de carcans familiaux (la question est illustrée avec une économie de moyens et de mots remarquable), religieux (incarnés notamment de manière presque lynchienne par la figure imprécise d’un vieil homme aperçu à deux reprises en train se déplacer en traînant une croix sur son épaule), du racisme systémique bien sûr... Le temps d'une fête, tout ça disparaît, et ce que la musique peut avoir de politique s'exprime aussi bien dans l'affirmation d'une culture que dans la matière à contestation et dans l'effet libérateur qu'elle apporte. Le cheminement qu’a orchestré Steve McQueen arrive alors à son apogée, tout semble voler en éclats dans la joie débordante d’une réinvention du présent pleine de sens.

 


Comment redescendre après cette apothéose ? McQueen a l’air de trouver ça fastoche : dans le jour levant, deux jeunes amoureux dont la rencontre est le seul fil rouge proprement narratif du le film rentrent chez eux sur un même vélo. McQueen les cadre de telle sorte qu'on a l'impression qu'ils volent.


On évoquait plus haut la première scène, semblant au départ hors de propos. On y voit une jeune femme sortir en cachette de ce qu'on suppose être la maison de ses parents. Sans qu’on le sache tout est alors dit : Lovers rock est un film sans discours explicite, sans propos démonstratif, sans scénario significatif en soi, mais dès sa première minute c'est un film tout entier tourné vers une aspiration à la liberté et à l’émancipation. Cette aspiration s’exprime avec une ampleur et une puissance et une émotion inouïes parce que, se libérant de la lourdeur du verbe, elle est entièrement et cinématographiquement incarnée. Et c’est ainsi que Steve McQueen est grand.



P.S.: bien que réalisé pour la BBC Lovers rock faisait partie de la sélection officielle du festival de Cannes… en 2020. Le covid ayant entraîné l’annulation de ce dernier, la possibilité d’une sortie en salle du film est elle-même passée à l’as. Alors Small Axe est apparemment visible sur la plateforme Salto et on ne peut a priori même plus espérer une vraie diffusion sur une chaîne télévisée en France. On ne va pas se lancer dans un laïus vain sur l’emprisonnement des œuvres par les plateformes, mais quand même. Cet empêchement de circulation et de vie est proprement naze.

jeudi 1 septembre 2022

Un scénario? Pour quoi faire? (1/2) - the Raid, de Gareth Edwards

On va voir Bullet train, de David Leitch, en espérant une bonne comédie d’action. Seulement l’action est réduite à portion congrue et assez pauvrement orchestrée, et la comédie est poussive. Et puis là-dessus un scénario qui, tentant de se donner une sorte de crédibilité, en rajoute sans cesse une couche, puis une autre, et encore une autre, jusqu’à se noyer dans le vieux dégueulis qu’il finit par former: pas de consistance, ni de richesse, ni de caractère. On en ressort désabusé et, comme bien souvent après avoir vu un film de cet ordre, on repense à the Raid.


Le scénario de the Raid est le suivant: en Indonésie, un détachement de policier prend d'assaut un immeuble tenu par un baron de la drogue et ses sbires. D'abord ils se battent avec des armes à feu, ensuite avec des armes blanches, et pour finir à mains nues.


Ce scénario est écrit par le réalisateur-monteur du film, Gareth Edwards; tenant entièrement les rênes de son film, Edwards a une conscience et une maîtrise absolues de ce que ce dernier doit être. Le dosage de l’écrit est donc impeccable puisque récit et dialogues n’ont d’autres raisons d’être que de poser et d’équilibrer la composition du film dans son ensemble. Les scènes peu nombreuses durant lesquelles les personnages ne sont pas dans l'action sont là afin de donner des bases solides à cette dernière, et d’apporter les respirations nécessaires à l'évitement d'un trop-plein. Le reste tient à une recherche de sublimation du mouvement dans un espace défini, soit l’essence d’un bon film de bagarre1.



L'intelligence de Gareth Edwards est de tirer le maximum des contraintes de ce dispositif - c'est soit dit en passant ce qui fera de la suite, the Raid 2, un film certes très spectaculaire mais moins fort, parce qu'en perdant ses scènes d'action dans des espaces multiples et un nombre inutilement fourni de personnages secondaires (qu’il faut bien légitimer par un scénario), il dilue la densité du tout. Au fond on pourrait aussi résumer le film en disant que son enjeu initial et théorique (vider un immeuble de ses dealers) finit par être spatial et concret, dans la mesure où il s’agit pour les personnages principaux de pénétrer dans un lieu, de tenter de l’investir, puis d'essayer d’en ressortir en vie. Presque tout se passe donc dans un immeuble; on pourra alors arguer que dans un immeuble il y a autant d'espaces subsidiaires que d'appartements, mais Edwards choisit de limiter l'accès à ces derniers. Oui, en vérité, the Raid est essentiellement un film de parties communes.



Cet espace restreint est donc investi par un groupe de policiers; tout commence dans la méticulosité, le silence et la discrétion, en somme dans l'ordre et la maîtrise d'un geste professionnel bien rodé. Et puis bien sûr le grain de sable arrive, les policiers sont repérés par les malandrins, et le chaos s'installe. C'est dans l'organisation de ce chaos en un cosmos visuel débordant que Gareth Edwards excelle, s’appuyant sur un sens de l'action et de l'accompagnement du mouvement remarquable (à tel point qu’il fait passer crème les mouvements parfois tremblés de sa caméra, puisque loin d’être gratuits ou cache-misère ils s’ajustent à la frénésie ou à la confusion des personnages et donnent le sentiment de faire corps avec eux). Ainsi de la première partie, celle des armes à feu, où le double enjeu s’apparente à celui du son et de la lumière: pour n'être pas repérés les policiers se doivent d'être économes en la matière. Edwards s'adapte et filme avec la même intensité la minutie initiale discrète de l’opération commençant que le déchaînement consécutif à l'échec de cette minutie. On assiste alors à du grand spectacle et à des scènes d'une bravoure qui régale. Exemple : un groupe de policiers assiégés dans un appartement, un plancher en bois, une hache, un frigo, une bonbonne de gaz: cinq minutes de bonheur intense.



Edwards a aussi la finesse de ne pas trop tirer parti de sa virtuosité, qui est indéniable mais dont il sait faire un usage raisonné. Parce que pour filmer ce déchaînement d'action la discipline est peut-être le maître-mot: discipline du réalisateur face à ses capacités aussi bien que discipline des acteurs dans l'entraînement et l'usage de leur corps. On n'a pas encore parlé d'un aspect nodal de the Raid à savoir un art martial indonésien aux origines ancestrales, le pencat silat. La découverte de cette pratique a accompagné la vie et le travail d'Edwards, qui s'est fait connaître avec un film plus fauché (mais loin d'être vilain), Merentau, dont l'axe était déjà la pratique de cet art que tous les acteurs de the Raid maîtrisent à la perfection. La chorégraphie des combats (co-créée par l'acteur principal du film, Iko Uwais) est d'une précision, d’une richesse et d'une efficacité telles qu’elle finit par donner lieu à une sorte de félicité étourdie.

(Souvenirs émus d’un soir d’avril 2012 lors de la projection de ce film à Lyon en ouverture de l’extra chouette festival Hallucinations collectives ; progressivement saisi par le duende de la chose, le public finit par accorder plusieurs standing ovations au film durant la séance (sans compter les applaudissements et cris de satisfaction tout au long de cette dernière), faisant de celle-ci une expérience plus proche du stade que de la salle de cinéma à la différence qu’il n’y avait dans ces explosions de joie aucune détestation d’une équipe adverse. Rien que de l’extase et beaucoup de câlin.)



Le traitement de la question spatiale accompagne aussi la progression du film, dont le principe même des scènes de bagarre est d’aller vers un rapprochement des corps, donc un rétrécissement de l’espace entre eux, qui engendre une épure de l’action. Partant de combats à distance laissant la part belle aux explosions sonores et lumineuses dans un espace relativement ouvert, un mouvement progressif s’opère vers une incarnation des combats où rien d’autre ne compte que les mouvements et les sons produits par les corps qui se choquent dans des périmètres réduits. À nouveau, Edwards fait montre d’une finesse doublée d’audace : plutôt que d’aller vers de plus en plus de pestacle qui pète de partout, il choisit de dégraisser l’action pour atteindre une sorte d’essence de la chose. Il parvient alors à atteindre un climax, ce que la majorité des films d'action rate dans les grandes largeurs, non pas avec un esprit de démultiplication neuneu, mais en se recentrant méthodiquement vers le cœur du film grâce à un travail alliant les vision d’un cinéaste et de ses acteurs dans la réalisation d’une scène de combat aussi proche de l’os que possible.



Cet esprit de resserrement est au diapason du traitement du scénario, dont la simplicité recherchée est une grande qualité. Il n’y a évidemment aucun discours dans the Raid, aucune volonté d’en faire autre chose que ce que ce film est. Et ça aussi c’est très très aimable : c’est un film humble fait avec infiniment de sérieux et de soin pour parvenir à être pleinement ce à quoi il aspire, et rien d’autre. Il ne prend pas le genre de haut, ne cherche jamais à faire de clin d’œil au spectateur pour montrer que lui non plus n’est pas dupe et tenter dès lors pauvrement de faire accepter des faiblesses ou des incohérences, lot commun du film d’action de masse qui ne s’assume pas. Cet écueil, encore une fois lié à une frénésie de démultiplications scénaristico-visuelle totalement vaine, est magistralement évité par the Raid : le pacte scellé avec le public est respecté avec une grande honnêteté, et on n’en ressent que plus d’affection pour ce film dévoué et habité par la volonté d’accomplir son geste cinématographique. the Raid y parvient sans artifice parce que c’est un film qui a du cœur.


P.S. : on n’évoquera pas ici la brutalité et la violence, ô combien grandes, du film. D’une parce que bonjour le débat fastidieux, de deux parce qu’une violence qui n’est pas accompagnée de gags et de punchlines est forcément plus saine qu’une violence qui se déresponsabilise et cherche à se mettre à distance d’elle-même ; a priori quand dans le rite antique de la tragédie on égorgeait un bouc devant le public d’un théâtre, il n’y avait pas sur scène un bouffon pour crier « Pouët pouët ! »

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1 Mais pas que, cela dit ; il en va de même dans une bonne comédie musicale, que ce soit dans le respect de la contrainte spatiale  (l’extra-chouette scène d’ouverture d’un Américain à Paris, de Vincente Minnelli, montrant Gene Kelly en pleine routine matinale dans sa minuscule chambre de bonne), ou dans l’affranchissement total de cette dernière (à peu près n’importe quelle chorégraphie orchestrée par Busby Berkeley, où par exemple une scène de théâtre de dimensions classiques devient soudain assez grande pour accueillir une centaine de figurants et, tant qu’à faire, quelques chevaux dans le 42ème rue de Lloyd Bacon).