jeudi 29 novembre 2018

Nuit sans lune

« L'enfant Thanos se trouve alors perdu en pleine nuit, abandonné de tous. Et la peur le saisit, une peur qui, partant du ventre, remonte le long de sa gorge et lui donne la sensation douloureuse d'ouvrir ses poumons à leur pleine capacité; dans l'angoisse il respire. D'abord lui vient l'idée de pleurer. Il tremble.
Mais son regard en vient à s'accoutumer à la pénombre et il découvre l'existence d'un soleil sombre. Sans qu'il sache pourquoi il se dit soudain "Je peux compter mes côtes." et cette idée le réjouit.
Dans l'obscurité aucun miroir ne s'offre à lui. Dans l'obscurité le silence de la vie qui dort s'offre à lui. Dans l'obscurité son père ne peut pas le trouver pour lui coller une trempe. Dans l'obscurité se trouve un point exact de rencontre avec le monde quand le monde ne se donne plus la peine d'exister pour rien.
L'enfant Thanos perçoit le noir de ce qui existe en secret, le noir d'un univers à créer, le noir battant, le noir luisant. Ses rayons jaillissent et ils s'adressent plus loin qu'au regard.
L'enfant Thanos a la tête qui tourne, il se laisse aller à danser sur son vertige.»

Extrait de Thanos en son mystère, de Kallias Photaskotadis



C'est ici et c'est ça:  

01 Leçon de ténèbres
02 Niels Rønsholdt - The Night
03 Sparklehorse & Tom Waits - Dog Door
04 Earl Sweatshirt, Mac Miller & Vince Staples - Nebraska
05 Music projects London - Cantus im memoriam Benjamin Britten (Arvo Pärt)
06 Vincent Gallo - So sad
07 Jorrde3 - Pop boy (avec Noway)
08 Tricky - Taxi
09 Hoagy Carmichael - Baltimore oriole
10 Kilo Kish - Prayer

lundi 19 novembre 2018

Christophe - "Je sais que c'est l'été"



Déjà l'orgue: de la lave. L'éruption a eu lieu avant, la séparation est consommée (séparation ou effacement d'un rêve, d'une image), et c'est la lave qui coule et fait tout brûler sans flammes.

Et puis la pesanteur de cette batterie, est-ce que c'est la lourdeur du soleil qui la fait battre au ralenti? Le rythme des pas qui avancent uniquement pour faire durer le sentiment d'absence, seule trace de ce qui n'existe plus? En tout cas ça vient de dessous la terre, de loin, profond, et on a du même mouvement la lave libérée qui coule et la lave contenue qui bouillonne.

Tout ça est loin d'être une libération. La peau qui brûle ça ne flambe pas, ça fait des cloques qui font des trous qui font des cloques. Ça n'en finira jamais. 
 



Tout ça pour le souvenir « d'un sourire ou bien de quelques pas ». Ça serait beaucoup moins beau s'il y avait plus de matière. C'est tragique pour presque rien et c'est juste. On meurt de presque rien, à petit feu ou à gros bouillonnements.



On est dans l'élégie dans sa plus pure expression alors on sort les cloches bordel de merde, il faut que le monde tremble. Et puis on est dans le requiem alors les chœurs sortent à leur tout du ventre de la terre. Ils n'auront que des histoires tragiques à nous raconter. On est sur un bateau et la mer est en feu.



Et puis il y a ces cymbales qui volent en éclat, ou une cloche qui tombe et se casse, même la rythmique en plomb crève de tout ça, on a l'impression que tout va à l'épuisement ; ce qui est jeté là-dedans c'est l'envie de ne pas mourir petit-bras. Il faut que la terre s'effondre et que le ciel s'obscurcisse, que les chiens hurlent, que les oiseaux volent sans ordre, affolés; le soleil a disparu. Il faut le chaos et la certitude que la lumière ne reviendra jamais plus. La passion ne se soigne pas par la raison.



Et ça s'arrête aussi brusquement que ça a commencé; aucune importance, ça continue à tout brûler. La lave est encore là dessus la terre, avec son air faussement apaisé. Elle ne joue plus au fleuve. Elle va rester. Ça repoussera mieux ou ça se transformera en pierre, on ne sait pas.