The
Eric Andre show est une émission créée par Eric Andre. Déjà.
Elle a pour particularité (entre mille autres) de ne durer qu'une
dizaine de minutes par épisodes. Ça peut sembler chiche, mais en
fait ces dix minutes lui suffisent à casser énormément de choses,
et à provoquer tantôt le malaise, tantôt l'hilarité, tantôt une
hilarité mal à l'aise. The Eric Andre show en est
actuellement à sa 4ème saison et franchit, épisode après épisode,
une succession de sommets. Il est donc urgent d'attirer autant que
faire se peut l'attention sur cette émission, à laquelle on
n'arrive pas à trouver d'équivalent (ou alors il faudrait jouer au
critique musical en disant « Imaginez du Chris Morris mâtiné
de Jackass surveillé du coin de l’œil par les Monty Python »
ou quelque chose de ce genre, ce qu'à Dieu ne plaise).
Tous
les épisodes de the Eric Andre show reposent sur une
structure identique:
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le générique démarre, un orchestre de jazz joue le thème musical
de l'émission, Eric Andre arrive en hurlant, démolit le décor,
casse la gueule du batteur et fait ensuite n'importe quoi (à titre
d'exemple, dans la dernière émission en date : se faire
étrangler par une momie, se battre nu contre un ver de terre en
dessin animé, déclencher des incendies par la seule force de son
regard, manger un burger, et se faire casser la gueule par Tony Hawk
en lui disant "Je croyais qu'on était amis !") tandis
que la musique continue.
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le générique prend fin, (l'immense) Hannibal Buress entre en scène,
aussi flegmatique que son comparse est déchaîné, et Eric Andre
commence le traditionnel monologue d'ouverture. Il le foire à chaque
fois (exception faite d'un tout récent où il répétait "mots,
mots, mots, mots, punchline").
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il y a des invités qui, souvent, n'ont pas l'air de savoir à quoi
s'attendre. Mais, et c'est là un des traits de génie de l'émission,
le spectateur non plus. Il est proprement impossible de savoir, d'une
seconde à l'autre, ce qui va bien pouvoir se passer dans cette
émission, et l'inventivité malade d'Eric Andre semble sans limite.
Un exemple vaudra mieux que des explications avec cette merveilleuse
interview d'une vedette du fitness :
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les interviews sont entrecoupées de sketchs souvent filmés sur le
vif, parmi les passants, et mettant en scène différents personnages incarnés par Eric Andre. Exemples, dans le dernier épisode en date
toujours : Kraft Punk le robot chanteur qui éjacule du fromage,
un père de famille ayant eu la mauvaise idée d'attacher le couffin
de son bébé à des ballons d'hélium (et qui trouve le temps, entre
deux tentatives pour le sauver, de faire son examen de conscience en
voix off), ou encore un infirmier tentant de réanimer une femme
ayant perdu conscience en lui faisant l'amour en pleine rue. Là
encore impossible de savoir ce qui va se passer, les rebondissements
sont infinis et on a en fait le sentiment de voir un flux de
conscience malade se matérialiser à l'écran. C'est encore une fois
difficile de rendre compte de l'expérience avec des mots mais
l'effet est saisissant, et les ruptures de ton provoquent un
étonnement de chaque instant, et une admiration absolue.
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vient enfin en conclusion une séquence musicale, ou un stand up, ou
une animation, mais qui ne ressemble là encore à rien de connu. On
garde un souvenir ému de cette fois où le groupe de metal Exhumed et
les Supremes avaient été
amenées à chanter chacun une chanson de leur répertoire en même
temps. La cacophonie était totale et tandis que les unes chantaient
une bluette, les autres faisaient un boucan de tous les diables
pendant que leur chanteur se faisait vomir. C'était purement et
simplement prodigieux.
En
somme la seule chose à faire pour saisir la portée du phénomène et ne pas passer à
côté de le meilleure émission comique de notre époque est de
regarder the Eric Andre show. Ça peut être traumatisant, ne
le cachons pas. Mais la liberté totale et la violence anarchique et
créative de la chose provoquent une joie au-delà de toute mesure. Et
puis une chose achève de nous rendre cette émission excessivement
sympathique : au fond Eric Andre pulvérise toutes les
conventions (morales, narratives, constitutives même d'un spectacle
comique adressé à des spectateurs) et, hors de toute mise à
distance de soi-même, hors de toute recherche de connivence, il
semble faire tout ça sans même y penser. Et ça c'est magnifique.