mercredi 5 août 2015

Kazumasa Hashimoto

Voilà cinq ans qu'on est sans nouvelles de Kazumasa Hashimoto. Pas même une carte postale. C'est pas qu'on s'inquiète mais tout de même, on ne serait pas contre un petit signe de vie parce que sa musique nous est assez aimable aux oreilles.


Dans son premier album Yupi il y avait des morceaux qui avaient des allures de progression à travers une forêt impénétrable, où tout était entouré de mystère, avec l'angoisse pas très loin mais aussi une sorte de confiance en la lumière au-dessus de la canopée. Il y avait un sens de la construction qui prend son temps, et se révélait un musicien qui sait où il va, quitte à déboussoler. Par la suite la musique d'Hashimoto est sortie du bois, sans se perdre pour autant.


Quand on prend un train de jour ensoleillé, on s’assoit à la fenêtre et on ferme les yeux. L'obscurité se fait un instant, et puis la lumière du dehors fait naître comme des éclosions de fleurs en papier dans notre tête, qui s'épanouissent dans un décor de formes vagues qui flottent et dansent. La musique de Kazumasa Hashimoto fait naître la même sensation à coups de légèreté et de subtilité. Elle n'est pas du genre à jouer des coudes, mais plutôt des ailes. Elle s'appuie sur des instruments qui sont plutôt de l'ordre de la goutte de pluie que du marteau-piqueur. Parmi eux la voix, souvent retravaillée et montée à la manière d'un cut-up, ainsi utilisée pour sa rythmique, ses sonorités, ses qualités instrumentales en somme. Les paroles sont dites ou chantées dans des langues que l'on reconnaît plus ou moins, et sans bien pouvoir dire ce qu'elles racontent on ne peut s'empêcher de trouver qu'elles ont raison.

Au fond c'est un peu ce qui se passe en général avec la musique de Kazumasa Hashimoto: on ne comprend pas toujours de quoi elle relève et on se laisse embarquer quand même. On ne saurait pas dire si on navigue sur l'eau ou si on flotte dans les airs. On se dit parfois que c'est tout de même un peu naïf, voire sirupeux. Et puis l'instant d'après on constate une fois encore que dans bien des choses qualifiées hâtivement de "naïves"1 il y a plus d'âme et de profondeur que dans ce qui se voudrait grave et sérieux. Hashimoto édifie ses morceaux en adulte conscient de la topographie et des réalités du voyage, mais sans perdre son regard d'enfant amoureux de cartes et d'estampes. Tout est embrassé dans un même mouvement et ça valse bien avec le soleil.


Plus tard ce sera l'automne. On se replongera alors dans la très belle bande originale qu'Hashimoto a composée pour Tokyo Sonata (dont on a parlé ici), dans laquelle il choisit souvent de mettre en avant son bien aimé mellotron. De cet instrument tout nu et d'autres arrangements relevant davantage de constructions électro-accoustiques, il fait naître une palette de sentiments et d'impressions d'une grande richesse, et foutrement belle. Qu'il pleuve ou qu'il vente, on se trouve toujours tout enlevé à l'écoute de ces morceaux.

D'autres fois - la nuit peut-être, sûrement - on prendra le temps d'écouter vraiment « Strangeness », ce morceau de piano d'une vingtaine de minutes qui conclut l'album du même nom et qui fait danser avec grâce de la lumière dans de l'eau noire. Parce que c'est ce que sait faire Kazumasa Hashimoto, faire tourner les sons et les parfums dans l'air du soir, comme qui dirait. Il finit alors par créer un paysage et la lumière qui l'accompagne, et nous autres sommes invités à nous promener dedans (c'est là une bien jolie balade). Voilà pourquoi on espère qu'il nous réserve pour bientôt une nouvelle invitation au voyage.



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1 Il y a d'ailleurs plusieurs morceaux qui font songer qu'Hashimoto maîtrise bien son Pascal Comelade.

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