Voilà cinq ans
qu'on est sans nouvelles de Kazumasa Hashimoto. Pas même une carte
postale. C'est pas qu'on s'inquiète mais tout de même, on ne serait
pas contre un petit signe de vie parce que sa musique nous est assez
aimable aux oreilles.
Dans son premier
album Yupi il y avait des morceaux qui avaient des allures de
progression à travers une forêt impénétrable, où tout était
entouré de mystère, avec l'angoisse pas très loin mais aussi une
sorte de confiance en la lumière au-dessus de la canopée. Il y
avait un sens de la construction qui prend son temps, et se révélait
un musicien qui sait où il va, quitte à déboussoler. Par la suite
la musique d'Hashimoto est sortie du bois, sans se perdre pour
autant.
Quand on prend un
train de jour ensoleillé, on s’assoit à la fenêtre et on ferme
les yeux. L'obscurité se fait un instant, et puis la lumière du
dehors fait naître comme des éclosions de fleurs en papier dans
notre tête, qui s'épanouissent dans un décor de formes vagues qui
flottent et dansent. La musique de Kazumasa Hashimoto fait naître la
même sensation à coups de légèreté et de subtilité. Elle n'est
pas du genre à jouer des coudes, mais plutôt des ailes. Elle
s'appuie sur des instruments qui sont plutôt de l'ordre de la goutte
de pluie que du marteau-piqueur. Parmi eux la voix, souvent
retravaillée et montée à la manière d'un cut-up, ainsi utilisée
pour sa rythmique, ses sonorités, ses qualités instrumentales en
somme. Les paroles sont dites ou chantées dans des langues que l'on
reconnaît plus ou moins, et sans bien pouvoir dire ce qu'elles
racontent on ne peut s'empêcher de trouver qu'elles ont raison.
Au fond c'est un peu
ce qui se passe en général avec la musique de Kazumasa Hashimoto:
on ne comprend pas toujours de quoi elle relève et on se laisse
embarquer quand même. On ne saurait pas dire si on navigue sur l'eau
ou si on flotte dans les airs. On se dit parfois que c'est tout de
même un peu naïf, voire sirupeux. Et puis l'instant d'après on
constate une fois encore que dans bien des choses qualifiées
hâtivement de "naïves"1
il y a plus d'âme et de profondeur que dans ce qui se voudrait grave
et sérieux. Hashimoto édifie ses morceaux en adulte conscient de la
topographie et des réalités du voyage, mais sans perdre son regard
d'enfant amoureux de cartes et d'estampes. Tout est embrassé dans un
même mouvement et ça valse bien avec le soleil.
Plus tard ce sera
l'automne. On se replongera alors dans la très belle bande originale
qu'Hashimoto a composée pour Tokyo Sonata (dont on a parlé
ici), dans laquelle il choisit souvent de mettre en avant son bien
aimé mellotron. De cet instrument tout nu et d'autres arrangements
relevant davantage de constructions électro-accoustiques, il fait
naître une palette de sentiments et d'impressions d'une grande
richesse, et foutrement belle. Qu'il pleuve ou qu'il vente, on se
trouve toujours tout enlevé à l'écoute de ces morceaux.
D'autres fois - la
nuit peut-être, sûrement - on prendra le temps d'écouter vraiment
« Strangeness », ce morceau de piano d'une vingtaine de
minutes qui conclut l'album du même nom et qui fait danser avec
grâce de la lumière dans de l'eau noire. Parce que c'est ce que
sait faire Kazumasa Hashimoto, faire tourner les sons et les parfums
dans l'air du soir, comme qui dirait. Il finit alors par créer un
paysage et la lumière qui l'accompagne, et nous autres sommes
invités à nous promener dedans (c'est là une bien jolie balade).
Voilà pourquoi on espère qu'il nous réserve pour bientôt une
nouvelle invitation au voyage.
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1
Il y a d'ailleurs plusieurs morceaux qui font songer qu'Hashimoto
maîtrise bien son Pascal Comelade.
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