Il y a la musique. C'est un art majeur. De la musique découle la chanson (à moins que ce ne soit l'inverse, les témoignages manquent). C'est un art mineur selon certains (Gainsbourg par exemple), majeur selon d'autres (Guy Béart). On s'en fout, me direz-vous. Certes, mais c'est bien assez compliqué de commencer un billet sur l'auteur de l'inoubliable "Caca Chocolat" alors bon, voilà.
Le Professeur Choron est indubitablement un des plus grand Français à laquelle la mère patrie ait donné naissance. Prenons les paris: son art et sa philosophie survivront au genre humain. Cependant, et c'est malheureux, nous vivons une époque trouble dans laquelle une part essentielle de son oeuvre est introuvable, à savoir ses chansons. Car oui, on se souvient du Professeur Choron journaliste, du provocateur télévisuel, du génial bricoleur, du nihiliste absolu[1], mais le Professeur Choron c'est avant l'un des plus grands chanteurs que la musique indépendante française ait connu. Sans blague.
S'il n'était pas doté d'une voix inoubliable, il a en revanche un sens de l'interprétation qui donne un véritable poids à ce qu'il scande plus qu'il ne le chante sur des musiques toujours correctes au pire, franchement bandantes au mieux. Sans le Professeur Choron, Charly Oleg serait resté aux yeux de tous l'harmoniste télévisuel, alors qu'il suffit d'écouter "Noël Tohu-Bohu" pour s'apercevoir qu'il en avait sous la semelle.
Dans un autre ordre d'idée, Choron a enregistré plusieurs chansons à la fin des années 80 en compagnie d'un groupe assez peu connu, Los Carayos. Mais quand on sait que Los Carayos étaient formés de Schultz (Parabellum), Alain Wampas (les Wampas), François Hadji-Lazaro (les Garçons Bouchers) et d'Antoine et Manu Chao (la Mano Negra), ça a tout de suite beaucoup plus de gueule. Et Choron se trouve d'un coup placé au cœur du rock indépendant français des années 80/début 90, ce qui lui convient plutôt pas mal.
Et puis surtout il y a les paroles, qui se passeraient aisément de commentaires tant elles sont à la fois drôles, incisives et rudement bien observées. La meilleure chanson de Choron est peut-être bien "la Testiculance", phénoménale traversée de la vie d'un citoyen lambda de la naissance à la mort, d'où il ressort que tous les âges sont des âges cons et que la mort est une libération. Au milieu de tout ça de véritables fulgurances textuelles, telles cette grandiose définition de l'adulte: « 'Croient tout savoir, les gros cons! 'Savent rien, les gros cons! Pour traverser une rivière, faut qu'y construisent un pont! » Et même quand Choron joue de la fibre pipi-caca, c'est avec style, absurdité, en un mot avec une forme de classe profane inégalable. Et quand il va dans le trash (phénoménale "Javice"), il le fait si magistralement qu’il redessine les frontières de l’exercice.
Alors voilà, les chansons du Professeur Choron sont de l'art majeur, elles font partie de l'histoire du rock français et il serait temps qu'une maison de disque les récupère toutes (on ne connaît qu'une mince partie du bazar) pour les éditer en un disque qu'on pourrait ranger entre la Bible et Hitler=SS. De même qu'il serait temps que soit publié en DVD Ivre-mort pour la Patrie, l'opérette sur ses souvenirs d'enfance sous de l'Occupation, dont la bande-son avait été composée par rien moins que Bertrand Burgalat (et dans laquelle apparaissaient le groupe de metal Treponem Pal et Dick Rivers, joli grand écart au sein de la musique française). Car si on nous pourrit la vie dès l’adolescence avec des crapules minables comme Voltaire, alors qu’au moins on ait la décence de traiter avec le respect qui lui est du le grand homme qu'est le Professeur Choron.
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