Qui diable est Darondo? On serait bien incapable de le dire
puisque rarement une seule et même personne s'est vue prêter tant de vies possibles.
Pour donner une idée du bazar il suffit de dire que, selon les versions,
Darondo peut être présenté comme un ancien maquereau ou comme une sorte de
médecin miraculeux qui a fait marcher à nouveau plusieurs personnes que la
médecine avait condamnées à passer le restant de leur vie dans un fauteuil.
Entre le mac et le demi-dieu se trouve donc la véritable personnalité de
Darondo. On peut ajouter à ça qu'il a tenu l'antenne de plusieurs émissions
télévisées locales en animant des sortes de pastilles allant du gentiment
décalé au totalement foutraque. Mais la vraie question est de savoir si on a
besoin de savoir qui est Darondo. La réponse est non. Mais alors quoi?
Alors une voix. Une bête de voix de puta madre capable de couvrir une
surface phénoménale, allant des tréfonds gutturaux à des aigus incroyables, qui
préfigurent d'ailleurs complètement le style vocal qui fera la gloire de Prince
dix années plus tard. Car c'est dans le courant des années 70 que Darondo a
exercé son talent. Après avoir chanté dans un groupe d'adolescents dans sa
prime jeunesse il enregistre quelques chansons que l'on a longtemps cru
perdues, joue en première de James Brown à quelques reprises, rencontre des
problèmes avec son label qui décide d'empêcher la parution des morceaux
enregistrés et puis s'arrête aussi sec. C'est qu'il a une Rolls Royce blanche à
conduire (dont il aime à raconter comment elle faisait l'admiration de Frank
Sinatra) et un vaste monde à parcourir. Là encore, difficile de discerner le
vrai du faux et le pourquoi du comment mais le fait est qu'après des débuts
excessivement prometteurs, Darondo a tout plaqué du jour au lendemain. Il
refera surface quelques années plus tard dans son rôle de thérapeute physique
miraculeux et tout aurait pu se terminer ainsi.
Mais voilà qu'un DJ défricheur de la BBC met un jour la main sur un single enregistré par Darondo, intitulé "Didn't I"[1]. La force du morceau le transforme immédiatement en tube à retardement (environ 30 années se sont écoulées entre sa parution et son succès) et Ubiquity Records se jette sur l'occasion de publier à nouveau des chansons dont la parution a l'époque avait été sabordées comme expliqué plus haut. C'est ainsi qu’en 2006 paraissent le LP Let my people go et l'EP Legs, qui permettent de situer Darondo dans la musique américaine des années 70 en lui donnant la place qu'il mérite : une très bonne.
Et puis en 2011 paraissent enfin avec Listen
to my song: the Music City Sessions les morceaux qui constituent le Graal
des admirateurs de Darondo, et que l'on a longtemps crus disparus à tout jamais. Et là la grâce
de Darondo explose complètement: non seulement sa voix est toujours aussi
sublime, mais cette fois on perçoit le soin tout particulier apporté aux
arrangements et au choix des musiciens. On se trouve alors face à quelques
pépites de la musique noire américaine qui en représentent une forme de
quintessence, entre la recherche de transe et la charge fondamentalement
sexuelle (peut-être qu'on a enterré les chansons de Darondo pour éviter
d'aggraver la surpopulation de la planète; c'est en tout cas une théorie à
prendre en considération).
Il n'y a pas grand chose d'autre à en dire, il est trop urgent de danser là-dessus. Sinon une chose quand même: l'Histoire est ce qu'elle est et ses voies sont impénétrables, mais si elle avait traité Darondo un peu mieux, on est tenté de penser qu'il serait aujourd'hui une référence incontournable, un vrai Papa. Et le plus beau de l'affaire c'est qu'aujourd'hui encore Darondo, même s'il doit en être conscient, a l'air de s'en foutre éperdument.
Il n'y a pas grand chose d'autre à en dire, il est trop urgent de danser là-dessus. Sinon une chose quand même: l'Histoire est ce qu'elle est et ses voies sont impénétrables, mais si elle avait traité Darondo un peu mieux, on est tenté de penser qu'il serait aujourd'hui une référence incontournable, un vrai Papa. Et le plus beau de l'affaire c'est qu'aujourd'hui encore Darondo, même s'il doit en être conscient, a l'air de s'en foutre éperdument.