A propos de Matt Berry, deux ou trois choses :
De ce côté de la Manche, Matt Berry est moins connu que, disons, Thierry Lincou. C'est proprement inacceptable.
Matt Berry est anglais. Il est essentiellement acteur. Mine de rien, il a entre autres participé à plusieurs des meilleures séries de la décennie passée. On l'a vu dans Garth Marenghi's Darkplace, The Mighty Boosh, Snuff Box ou encore The IT Crowd. Excusez du peu.
A travers ces séries, il s’est façonné un personnage de pseudo-romantique arrogant et sûr de son pouvoir de séduction. Matt Berry a une capacité impressionnante à jouer ce cliché sans marquer de distance. Pas de clin d’œil vers le public pour lui dire « Je joue un crétin, mais en vrai je suis intelligent. » Il semble être dépourvu d'ego, ou alors pourvu d'un ego que le commun des mortels ne pourra commencer à déchiffrer que dans un ou deux siècles.
C’est ainsi que Matt Berry se consacre avec un masochisme admirable à se rendre ridicule en accentuant les défauts de sa silhouette (replète), de son visage (taillé dans une patate), de son regard (possiblement bovin) et de sa voix de crooner (de supermarché).
Car oui sa voix. A plusieurs reprises Matt Berry s'est amusé à pousser la chansonnette :
- quiconque a regardé Garth Marenghi's Darkplace garde un souvenir ému de « One track lover »
- Berry a composé la musique (simili post rock psychédélique) d’un opéra rock parodique sur la nativité, AD/BC, où il tenait le rôle principal : celui de l’aubergiste qui logeait les parents du petit Jésus dans son étable.
- dans Snuff Box son personnage s'exprime à plusieurs reprises en chansons, toujours écrites et composées par lui-même. Officieusement, son morceau sur le suicide est une des plus belles choses sur terre (on notera au passage que dans chacune de ces vidéos figure l'également grandiose Richard Ayoade, dont nous aurions tout autant de bien à dire).
A chaque fois il parvient à allier le comique de la chose au sérieux qu'exige la composition et l'écriture d'une chanson qui tient la route. Comme les choses sont bien faites, il s’est décidé à mettre cette capacité à l'œuvre dans un album étrangement réussi, Opium.
Album autoproduit, diffusé par ses propres moyens et aujourd'hui quasiment introuvable[1], Opium est autant le disque de Matt Berry que celui du personnage qu'il s'est créé. Il est baigné dans la lumière orangée des plages de Floride telles qu’elles étaient représentées dans les mauvaises séries américaines des années 80. Il faut imaginer un disque qu’aurait enregistré un personnage bellâtre de Santa Barbara, par exemple. Encore eut-il fallu que ce personnage fût talentueux. Heureusement pour nous, Matt Berry l’est, et Opium est un album qui mérite le détour.
Pour commencer, c’est à notre connaissance le seul album dont la première phrase évoque le décalottage[2]. Mais c'est finalement ainsi que se présente Opium, comme une sorte de long coït avec l'imagination d'un homme.
En un seul disque, Matt Berry couvre un territoire psychologique d’une grande étendue en faisant s’exprimer le latin lover de Bromham, Bedfordshire auquel il a donné naissance. Un homme capable de présenter une nuit avec une prostituée alcoolique et miteuse comme un acte d'amour véritable (« Lay your love on me »), un homme qui montre l'étendue de son romantisme en chantant en français (« Je rêve de faire l'amour à vos lapins / Le papillon est mort et elle attend » ainsi que d'autres phrases incompréhensibles dans « White Hood »), mais aussi un homme avec une sensibilité qui souffre de l'inconstance des femmes (« Love is a fool »).
Avec l'ultime morceau, « One more hit » on a le sentiment de voir ce personnage déambuler sur une plage, nœud papillon défait, au petit matin, à l'heure des vérités. Comme une prise de conscience d'un loser qui se voudrait magnifique et qui finit en quelque sorte par le devenir, par la grâce de cette assurance jamais perdue.
Voici donc un disque amusant dans le principe, et intriguant quelques secondes pour qui s'intéresse au personnage qu'est Matt Berry. Seulement voilà, il y a un élément de poids qui change la donne: le fait que même s'il s'agit de faire un disque pour rigoler, Matt Berry le fait avec sérieux. Les arrangements et structures d’ « Opium » ou de « One more hit » par exemple peuvent rendre rêveur pas mal de chanteurs sérieux. On navigue entre une musique piochant allégrement dans tout ce que le mauvais goût a pu produire, et dont le côté excessif colle à merveille au personnage, et une science du rythme et du détail propre à un musicien chevronné. Le tout savamment dosé, de sorte que jamais le côté marrant de la chose n’empiète sur sa solidité intrinsèque, et vice-versa.
C’est au fond la force de Matt Berry (et de bon nombre d’humoristes anglais, en vérité) : il est conscient que l’amusement doit être celui du public, et pas de l’amuseur. Ce dernier est là pour suer, se donner du mal, et être considéré comme un rigolo dans le dos de qui l’on tape. Un tel renoncement force le respect, surtout quand il donne lieu à de si belles réussites.
Matt Berry se prépare à remettre le couvert puisque paraîtra en mars son deuxième album, Witchazel.
Nous trépignons d’impatience et considérons désormais que l’avenir du monde passe par Matt Berry.
Je ne suis pas un locuteur de français moi-même, mais je me suis toujours demandé ce que M. Berry chante dans cette chanson. Est-il possible que vous seriez prêt à transcrire les paroles françaises restantes pour moi? S'il vous plaît pardonnez toute mauvaise traduction utilisé dans cette réponse.
RépondreSupprimerHello Joshua,
SupprimerSorry for the late answer; I don't have a lot of time right now but I promise I'll try to (at last) find out what Matt Berry sings about when he speaks in French in "White hood". So far I only understood the part when he sings "I dream of making love to your rabbits / The butterly is dead and she waits", but I'll try harder for the other parts and let you know if I catch other things.
Many thanks, Apache. This can wait for as long as it needs to, no rush. I hope you have an awesome upcoming month.
RépondreSupprimerHi Joshua,
SupprimerI'm awfully sorry for the delay; I gave many new listenings to the song and here's what I think I heard (even though it's very difficult because Matt Berry seems to sing words that are written down but that he doesn't know how to pronunciate).
On his first french moment:
" Je pourrais te prendre si rapidement
Aussi rapidement qu'un lapin
Je rêve de faire l'amour à vous, madame" (I'm not sure at all for that "madame" part)
Which would mean:
" I could take you so fast
As fast as a rabbit
I dream of making love to you, lady"
The construction of that last sentence in French looks like someone wrote it in English and translated each word in French without trying to make it sound like a proper french sentence any further.
Concerning the second moment it's impossible to know what he really says in the third sentence (after "Je rêve de faire l'amour à vos lapins / le papillon est mort et elle attend"), but it could possibly be "Je fume assis tout l'éléphant dans les mains", which doesn't mean much but could be translated by "I sit smoking the whole elephant in the hands". Of course the absence of logical sense makes me doubt of what he actually says, but the pronunciation here is very hard to understand.
Anyway, I hope it will help!
Thanks so much for you time and consideration!! Have a good one, bud. :D
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