Arrest est le
deuxième album (au milieu de quelques EP) de Powerdove, et de
Powerdove il n'est que temps que l'on parle ici parce que c'est tout
de même autre chose.
Au commencement il y
a la voix d'Annie Lewandowski. Voix parfois blanche, parfois
virevoltante et imprévisible, comme atterrie là on ne sait d'où.
La voix est adossée à des instruments qui font tantôt la tempête,
musique incarnée comme mille diables qui se débattent et se cognent
les uns dans les autres, tantôt la nuit calme, les diables se
trouvent enfin, dansent et puis s'enlacent. Quelle que soit la teneur
du sentiment qui habille une chanson, c'est toujours une vie intense
qui la caractérise. Le mariage du tourment ou de l'étonnement
instrumental et de l'implacable force intérieure de la voix fait
tourner la tête dans un mouvement de spirale qui aspire vers le
haut. Ça sonne parfois comme un chant religieux, mais au dogme païen et dansant, qui adorerait l'ombre et la lumière dans un même
mouvement.
Il y a plusieurs
couleurs qui font se souvenir que la joie est affaire de chaos en
dedans, là où le cœur cogne quand il va; alors les suppliques
convulsent et les aveux brûlent. On se trouve jeté dans une
cavalcade dont on ignore l'origine et le but, mais dans laquelle on
se trouve enfin entier. Quand la tourmente s'apaise, on a
l'impression de regarder le ciel pour la première fois. Tout est
réinventé.
Musiciens: John
Dieterich et Thomas Bonvalet, en complémentarité parfaite. De l'âme
et du souffle avec de la chair pour les faire exister et trembler.
Précisons en passant que Thomas Bonvalet est la plus grande bête de
scène de la musique contemporaine. Quand il joue on a le sentiment
qu'il existe soudain dans un état autre à travers les deux ou trois
instruments biscornus et imaginaires dont il s'emploie à tirer en
même temps des sons qui n'existent pas.
L'album va son
chemin entre attaques de diligence et nuits à la belle étoile. Ça
gronde parfois, à d'autres moments ça dit oui et ça respire
profondément. Surtout il y a une harmonie constante, et parfois
contre-nature semble-t-il, entre les éléments éclatés qui
constituent cette musique et la rendent unique. Pour autant ça ne se
répand jamais dans la facilité du foutraque pour le foutraque parce
que c'est habité, pour de vrai.
Arrest peut
paraître indomptable : il l'est. Mais il se laisse approcher
pour peu que l'on accepte d'avancer désarmé vers lui; il nous
emporte alors sur son dos et c'est peu dire que le voyage est
grisant.
« Est-ce que
tu brûles ? » demandait le titre de l'album précédent.
Oui, beaucoup.