D'abord
quelque chose d'ample, d'une grande beauté harmonique. Des vagues
qui semblent suivre le mouvement immuable des marées. Et puis
par-dessus des voix d'abord posées et accomplies, bientôt
accompagnées par des percussions, un pouls.
Au
commencement le verbe précède le pouls. Et puis le rapport semble
s'inverser, c'est peut-être le le pouls qui vient, et puis le verbe
après. Alors les mots, petit à petit, sortent heurtés, essoufflés,
s'interrompant eux-mêmes comme quand il y a trop de choses à dire
et pas assez de temps.
En
japonais "Hana" ça veut dire "fleur".
À
mesure que le morceau se révèle et que les mots semblent naître
comme ils se cognent on a le sentiment d'entrer en apesanteur par la
grâce de la mélodie immuable tout en tombant dans une sorte de
vertige causé par la musique humaine qui jaillit. La langue comme
musique, comme syllabes de bruit, comme rythme.
On
s'aperçoit progressivement que quelque chose d'aussi simple que
faire du bruit à travers sa bouche pour dire des choses est en fait
d'une improbabilité totale et d'une grande grande bizarrerie.
Il
faudrait pouvoir entendre les mots comme de la musique pour sentir le
sol du sens s'ouvrir sous nos pas, et tout trouver très rigolo
aussi.
Il
y a cette idée chez les Grecs anciens, que tout est à prendre en
compte sous deux angles: l'éternité et le ponctuel. Bien sûr dans
l'idée de ces deux temporalités il y a sans doute une recherche de
mesure, de justesse, d'ataraxie même; tu as loupé ton train et tu
pestes, mais bien avant il y a eu des poissons bizarres qui,
millénaires après millénaires, sont sortis petit à petit de
l'eau, et leurs écailles se sont transformées en poils, et ça a
donné nous. Enfin à peu près. Alors ton train...
"Hana"
fait penser à ça, à une mise en parallèle qui fait exister
l'accidenté aussi bien que l'étale.
Ça
n'est pas un dialogue, il n'y a pas d’interaction, mais deux
incarnations simultanées d'un même instant. Une expérience de ce à
quoi se résume au fond la vie. Des souffles et des élans. Des
souffles amples et des élans qui se cognent. Des souffles courts et
des élans qui se transmettent, inchangés ou presque, depuis
quelques temps après l'explosion d'une tête d'épingle.
Et
l'ivresse des mots qui s'emballent et la confusion, on est grisé ;
on ne comprend vraiment rien. C'est toujours moins troublant
quand on comprend. Là les choses font comme s'inscrire directement
sur le ressenti, il n'y a pas l'intermédiaire du sens.
On
ne sait plus trop où on habite.
Il
doit y avoir un cheval, on doit être dessus, il doit y avoir une
direction vers laquelle il va. À l'instant la notion de points
cardinaux est relative, le temps c'est de l'espace, l'espace est
cyclique, il existe en tourbillons, des volutes en lumières qui
montent, et montent, et puis s'achèvent comme une étoile naît.
En
japonais "feu d'artifice" ça se dit "hanabi".
Une
étoile c'est une fleur qui éclot, s'embrase, se libère de la
pesanteur et va prendre la mesure du ciel en lui prêtant une
lumière.