samedi 17 décembre 2016
Au Feu
Ça brûle, ça réchauffe, ça éclaire, c'est ici et c'est ça:
01 (des cendres)
02 The Alabama Sacred Harp Convention - Sherburn
03 The Field Mice - White
04 Angil and the Hiddentracks & Laetitia Sadier - Kira#2
05 Douglas Germano - Obá Iná
06 Eddy Crampes & The No Moustache Orchestra - White spirit
07 J-Dilla - Wild
08 Warum Joe - Les dents de l’amer
09 Marina Gallardo - Longer days
10 Fabio Viscogliosi - Les yeux (démo)
11 Ricky Hollywood - Matin
12 Damien Schultz - Puis elle vient à moi
13 Jean-Luc le Ténia - Rêves-tu de nous deux
14 (descendre) Au feu
15 Anonymous Choir - Who by fire
16 Anna Marly - La complainte du partisan
17 Jonathan Tadeu - O mundo é um lugar bonito e eu não tenho mais medo de morrer
18 Pygmées Baka - Chanson de hutte
samedi 10 décembre 2016
Gotlib - J'ai anvie d'allé joué au squouare avec Raffray
L'histoire
"Un oizeau énervan", racontée par l'élève Chaprot, est
extraite des Dingodossiers, mais d'après les exégètes c'est
Gotlib, et non Goscinny, qui en a écrit le scénario. Et ça
commence comme ça:
(pour
rappel, si nécessaire, Raffray c'est celui qui a une sœur, Léone,
qui est sympat mais qu'est-ce qu'elle est moche)
Soudain
Chaprot trouve un oiseau évanoui sur son rebord de fenêtre ("ah
ben sa alore.", commente-t-il même). Il s'occupe alors de lui
puis reprend son travail, mais l'oiseau ne cesse d'envahir et de
troubler l'ordre de ses problèmes de mathématiques et de ses pages
d'Histoire. C'est en ça qu'il est énervan. Et puis il finit par
partir, Chaprot prend une poussière dans l’œil et arrive la
chute/reprise: "J'ai anvie d'allé joué au squouare".
C'est
souvent que nous revient à l'esprit cette phrase, « J'ai anvie
d'allé joué au squouare avec Raffray ». Elle porte en elle
beaucoup de sens, elle traduit en fait un état d'esprit finalement
difficile à définir clairement. Dehors il y a la vie mais nous on
est dedans, où à cet instant précis on n'a pas vraiment envie
d'être. On n'habite pas le présent et on a envie d'aller goûter à
la joie qui existe et qui se partage dehors. Eh bien dans ces
moments-là il faudrait que l'expression soit consacrée et que les
psychologues disent "Ah oui, c'est une situation sans ambiguïté,
il/elle a anvie d'allé joué au squouare avec Raffray."
Ce
n'est pas de la tristesse. Quand on est triste on a les patates au
fond du filet et on ne peut qu'espérer que les choses s'arrangeront,
mais on n'a pas assez d'envie en soi ; c'est même de cette
absence d'envie que vient la tristesse. Non, quand on a anvie d'allé
joué au squouare avec Raffray c'est qu'on veut franchir le pas
vers cet ailleurs simple où pour un temps on pourrait avoir le droit
de jouir de ce qui est. Un peu comme faire un voyage à l'arrière
d'une voiture, pour regarder le paysage sans avoir à se soucier ni
d'où on va, ni de comment.
C'est
la possibilité d'oublier le poids du monde autour pour un temps, le
temps de s'amuser et de reprendre du poil de la bête pour pouvoir
ensuite revenir au monde comme un peu plus neuf, un peu plus léger,
et lui insuffler autant que faire se peut cette légèreté. Allé
joué au squouare avec Raffray c'est reprendre contact avec le
plaisir simple d'être là, souvent parasité par plein de petits
cacas.
Ce
qui fait la valeur de cette formule et de cette aspiration c'est que
c'est sans doute un des états les plus partagés de l'humanité,
au-delà de toute barrière culturelle ou sociale. On ne doute pas un
seul instant que chaque être humain a eu ne serait-ce qu'une fois
dans sa vie anvie d'allé joué au squouare avec Raffray. Et le fait
que la solution à ce vague à l'âme s'incarne dans une phrase aussi
simple et aussi enfantine ouvre des perspectives à la portée de
n'importe qui. C'est en aussi en cela qu'elle est précieuse.
Gotlib
est mort et c'était inévitable, mais ce qui le rend immortel c'est
cette capacité à faire passer par l'anodin quelque chose qui trouve
ensuite un écho à chaque âge de la vie. D'ailleurs au moment où
la mort arrive certaines gens disent des trucs vachement chiés, mais
ça pourrait aussi être une très très belle ultima verba :
« J'ai envie d'allé joué au squouare avec Raffray »,
et puis y aller.
Mais avant la mort il y a
tout le reste et, ici comme à d'autres moments de son œuvre, Gotlib
a su et saura transcender cet état d'enfance en contact direct avec
certaines vérités premières.
Pour ça on lui répète
merci et on lui fait des bisous.
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