mardi 21 juin 2011

Who Will Cut Our Hair When We're Gone?


Il y a des bruits bizarres derrière la porte. Qu'est-ce qu'ils fabriquent là-dedans ? Les instruments piaffent, grognent. Qu'est-ce qu'ils fabriquent là-dedans? La musique est toute maigre d'abord, et puis elle prend de l'envergure. Il y a quelqu'un qui annonce qu'il mourra dans un accident d'avion. Ça grossit, en chœur, ça chante qu'on ne veut pas mourir, la musique de plus en plus ample, des trompettes qui s'invitent là-dessus, et puis ça s'arrête brusquement. En deux minutes on a perdu le nord, on ne sait pas où on va, mais on a envie d'y aller quand même. C'est The Unicorns, ça s'appelle Who will cut our hair when we're gone?


C'est vrai ça, qui nous coupera les cheveux quand on sera morts? Bath de titre d'album, et sacré programme. Une musique qu'on verrait bien interprétée par des squelettes, ça joue de la structure classique des chansons pop pour en faire tantôt de la charpie tantôt un étendard. Et cette question de la mort qui rode constamment, ou plutôt d'après la mort, et qui étonne chez un groupe si jeune. Il se débat avec tout le long de l'album, invite des fantômes à venir chanter, il y a là-dedans les voix de ceux qui nous attendent, qui nous dirigent sans qu'on le sache. C'est un disque de vivants contrariés, constamment tendus vers ce qu'il y a derrière, ce qui effraye et nous fait courir en même temps. Quand à la fin ils chantent qu'ils sont prêts à y passer, les Unicorns nous ont trimballé des deux côtés de la frontière mais ils nous ont surtout balancé de pleines pelletées de vivacité dans les oreilles.


(The Unicorns, en 2003, était considéré comme le groupe phare du rock montréalais qui était alors en pleine gestation, sur lequel seuls quelques avisés se penchaient. Ces avisés disaient que vous allez voir, ils vont devenir LE groupe de rock nord-américain des années 2000. Mais ça n'a jamais eu lieu, les Unicorns se sont séparés après cet album. En revanche Richard Reed Parry et Régine Chassagne viennent faire un petit coucou au détour d'une ou deux chansons, vous connaissez la suite. Si ce n'est pas le cas il n'est jamais trop tard pour s'y mettre.)


Il y a dans des morceaux comme "Child star" suffisamment d'idées et d'élan pour faire quinze disques de bonne facture, une impression de coq-à-l'âne constant, comme si l'esprit d'un cyclothymique se transformait en une sorte de vapeur musicale au sortir d'un volcan construit sur un cimetière indien, ou quelque chose dans ce goût-là. Foutraque en diable, mais audacieux ô combien. Des incursions dans le bizarre, des ruptures de ton abruptes et un entêtement dans l'usage de la flûte à bec qui étonne avant que de forcer le respect.


Ce qu'il y a d'éminemment plaisant là-dedans c'est que cette musique ne se contemple jamais, elle n'en a pas le temps, elle va trop vite. On a l'impression de jets continus d'inspiration sans relecture, une sorte de poésie qui avance à l'instinct en somme. De l'énergie en branches, un effacement des frontières de ce qu'est censé être le rock. Il en reste l'essence, ce qu'il y a de rare et d'insaisissable, comme un cheval indomptable, un mustang. Mais en mieux.

"We're the Unicorns, we're more than horses."

Voilà.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire